10 ans d’aventure humaine avec Haïti Ski – 06/11/2010

Durant les quelques jours qui suivent la rencontre avec les journalistes du 4 Octobre 2010, Jean-Pierre et Thierry scrutent désespérément les média : Rien ! Nada ! Même le communiqué de presse transmis à plein de journalistes le 5 Octobre et un super dossier de presse, pas un seul article sur le projet Haïti-Ski. Un peu déçus, du coup ils se concentrent sur les préparatifs plus techniques.

Les échanges avec la FIS (Fédération Internationale de Ski) se mettent en place à partir du 6 octobre 2010 mais avec tous les nombreux règlements, on s’y perd. Est-ce qu’il est encore possible de réussir ? Sommes-nous dans les temps ? Quels sont les obligations ? Régulièrement ils tombent sur une phrase dans un règlement qui met le doute. Thierry en charge des relations avec la FIS pose immédiatement la question par email. Les réponses ne sont pas toujours claires dans les premiers retours. Les nuits sont très courtes car en parallèle de leurs boulots respectifs, la charge de travail est immense.

Le 11 Octobre, notre interlocutrice privilégiée devient Sarah LEWIS, la secrétaire de la FIS (N°2 de la FIS). Les messages et questions envoyés quotidiennement au milieu de la nuit obtiennent régulièrement une réponse de Sarah le matin même vers 7H. Malgré tout, c’est magique car ils ont vraiment l’impression d’être soutenus par Sarah pour qu’Haïti puisse réussir à atteindre ces Championnats du Monde. Les réponses sont claires et très rassurantes. Sans cette aide qui nous donne toutes les subtilités des règlements, nous n’aurions  sans doute pas pu réussir. Il faut être prêt pour le 6 Novembre, réunion du FIS Council qui décide de l’adoption des nouveaux membres!

Pour finaliser le dossier, Jean Pierre doit aller en Haïti pour déposer les statuts de la Fédération Haïtienne de Ski et obtenir du COH (Comité Olympique Haïtien). Il prend l’avion ce dimanche 17 octobre 2010 pour cette dernière pierre angulaire du projet.

En Haïti pour la première fois depuis le tremblement de terre, il découvre en vrai le chaos quotidien des patriotes qui ont été durement touchés. Même si Jean Pierre a vu cela à la télé et des images, la vision réelle est insoutenable, c’est le désastre! Il a des nœuds dans le ventre, il est pris par une émotion très forte mêlant tristesse, malaise, peur, colère contre les éléments et compassion. Pendant quelques jours, il n’ose même plus sortir tellement cette situation est catastrophique à voir et les rues de Port au Prince ne sont pas sécurisées. Même en étant dans un secteur non touchés par le séisme, il n’y a de l’électricité que 1 à 2 Heures par jour !

Il faut se reprendre, et Jean Pierre obtient le rendez-vous au Siège du Comité Olympique Haïtien à Pétion-ville le 23 octobre 2010 avec le Président, Jean Edouard BACKER. C’est une réunion cordiale et hors du temps où on parlera Sport et Ski sans tenir compte de la situation environnante. Le Président du COH trouve le projet intéressant mais cela ne va pas être aussi simple que prévu :

  • Pour obtenir le fameux dossier validé, il faut réunir le conseil du COH et il ne sera pas possible de le réunir avant un mois. Hors le dernier Jalon pour que la FIS intègre à temps la FHS est le 6 novembre, soit dans un peu plus de 2 semaines !
  • En 2010, la stratégie du COH passe impérativement par l’atteinte des JO. Le projet Haïti-Ski vise les championnats du Monde et pas les JO dans un premier temps. Dommage, car cela implique que la décision du COH ne sera pas acquise.
  • Pour référencer une Fédération sportive officielle, il faut des sportifs licenciés. Hors les statuts ne sont pas encore validés car Jean Pierre vient de les remettre au bureau des enregistrements.

A l’issue de la réunion, le moral est au plus bas, les projets Haïti-Ski est foutu ! On tente de contacter les ministères mais sans succès.

La veille de son départ, Jean Pierre reçoit un appel du COH. Il doit passer le lendemain au Siège du COH sans plus de précision. Sans en savoir plus, le 28 octobre 2010, sur le chemin de l’aéroport, Jean Pierre passe récupérer un courrier officiel du Président du COH : « il soutient le projet et il pourra donner suite à la démarche lorsque la FHS aura la reconnaissance internationale ». C’est le serpent qui se mord la queue : Le COH demande que la FHS soit reconnu par la FIS et la FIS demande que le COH reconnaisse la FHS comme Fédération de Ski unique dans le pays. Les échanges entre Jean Pierre et Thierry qui s’en suivent sont tendus. Ce ne sera pas suffisant !

Le dossier part donc à la FIS en l’état, avec une lettre de soutien officielle du COH plutôt qu’un dossier officiel. C’est mieux que rien mais c’est hors-jeu. L’attente est insoutenable. Tout est arrêté dans les préparatifs, la motivation est au plus bas.

En ce soir du 6 Novembre 2010, Thierry reçoit des amis mais son esprit est ailleurs. Toutes les 5 minutes, il scrute le site de la FIS pour avoir le communiqué du conseil. Le couperet de la fin du projet Haïti-Ski ou de sa continuité se joue ce soir. Les bookmakers parieraient sur du 90/10 en défavorable.

Vers 22H, le communiqué tombe enfin: « Haïti est accepté comme membre provisoire de la FIS ». Thierry relit le message en anglais plusieurs fois pour être bien sûr. C’est indescriptible, un flot d’énergie et de joie arrive soudain et il le dit en criant à ses amis. Il faut appeler Jean Pierre, 1 fois, 2 fois, 3 fois pas de réponse. Il insiste et au bout de plusieurs appels,  Jean pierre décroche enfin. Il noie son désespoir avec des amis également.

Jean Pierre : « Quoi, qu’est-ce que tu veux à me harceler ? Je sais que le dossier n’est pas bon ! »

Thierry : « Jean Pierre, on est accepté ! Ils ont accepté ! Va voir sur le site de la FIS si tu ne me crois pas»

Jean Pierre : « Oui, tu me dis ça pour que je continue à m’entraîner comme un malade, à faire attention à ce que je mange, à ne plus fumer… De toute façon, c’est mort ! ». Il raccroche.

Quelques minutes plus tard, appel de Jean Pierre : « tu as vu, on est accepté ! HAÏTI EST ACCEPTE ».

A ce moment-là, au-delà de la liesse et de la re-motivation crée par la nouvelle,  Jean Pierre et Thierry prennent conscience qu’on vient de passer du rêve à la réalité.  Fini uniquement les échanges par email, par téléphone, la communication et l’administratif, il est au cœur de la prochaine étape beaucoup plus opérationnelle: devenir un athlète international à 47 ans et se qualifier !

Le plus beau reste à faire pour Haïti !